
L’emploi à domicile représente un levier majeur d’autonomie pour les personnes en situation de handicap. Le mode mandataire y joue un rôle déterminant : il combine liberté de choix, sécurisation administrative et accompagnement humain. À travers les témoignages de Mand’APF et d’Ovia, cet article met en lumière la contribution essentielle des structures mandataires et les perspectives pour mieux répondre aux besoins de demain.
Chaque 3 décembre, la Journée internationale des personnes handicapées rappelle l’importance de construire une société réellement inclusive. L’autonomie à domicile en est un élément central : choisir ses intervenants, définir son organisation, être acteur de sa propre vie quotidienne.
Dans ce parcours, les structures mandataires jouent un rôle souvent méconnu mais déterminant. Elles soutiennent les particuliers employeurs – souvent les personnes elles-mêmes – tout en sécurisant la relation de travail. Leur expertise devient indispensable lorsque les besoins sont lourds, continus, ou nécessitent une adaptation fine.
Le rôle clé du mode mandataire pour accompagner les personnes en situation de handicap
Le handicap dans l’emploi à domicile recouvre une grande diversité de situations : déficiences motrices, troubles cognitifs, besoins constants d’aide humaine, organisation précise du quotidien… Pour ces publics, trois exigences majeures reviennent :
continuité, sécurité, adaptation.
Un modèle qui soutient la liberté de choix.
Le mode mandataire offre un cadre souple et sécurisé.
La personne reste employeur, choisit son salarié, définit les missions et l’organisation de travail. En parallèle, la structure mandataire prend en charge les démarches administratives, accompagne juridiquement et sécurise la relation de travail.
Un accompagnement humain, personnalisé et adaptable
Pour les personnes en situation de handicap, cette approche sur mesure constitue un atout décisif :
- analyse précise des besoins,
- sélection rigoureuse des intervenants,
- accompagnement dans la fonction d’employeur,
- continuité de service en cas d’absence du salarié,
- prévention des risques professionnels.
Cette proximité permet de répondre à des attentes très fines : gestes techniques, organisation du quotidien, communication adaptée, maintien du lien social.
Témoignages croisés : Mand’APF et Ovia
Pour illustrer concrètement la portée du modèle mandataire, deux structures adhérentes partagent leur expérience : Mand’APF 22 et Ovia. Ces acteurs interviennent auprès de publics aux besoins souvent lourds et nécessitant une forte expertise.
Mand’APF : autonomie, confiance et rupture de l’isolement
1. Une réponse ajustée aux besoins
Pierre-Louis Bouguet, responsable du service Mand’APF insiste sur l’impact du modèle mandataire :
Il contribue à l’autonomie réelle des personnes accompagnées et leur permet d’être pleinement impliquées dans l’organisation de leur aide humaine.
Selon lui, cela renforce la confiance en soi, lutte contre l’isolement social et permet d’adapter finement l’intervention « au quotidien de chaque personne ».
2. Des difficultés marquées sur le recrutement
Le principal défi ? Le recrutement de professionnels disponibles pour des contrats parfois courts mais nécessitant des compétences très spécifiques liées au handicap.
Trouver « quelqu’un qui aura un petit contrat mais une expertise adaptée » représente un enjeu majeur pour la continuité et la qualité de l’accompagnement.
3. Une fierté : défendre les droits des personnes handicapées
Mand’APF revendique son engagement historique dans la défense des droits.
Cette dimension militante s’exprime à travers une vigilance constante sur les conditions d’emploi, l’accès aux droits et la reconnaissance du rôle des particuliers employeurs en situation de handicap.
4. Pour l’avenir : une meilleure reconnaissance du modèle mandataire
Pour Pierre-Louis Bouguet, l’enjeu est clair :
Le modèle mandataire reste encore perçu comme « un second choix ».
Il souhaite qu’il soit davantage valorisé, reconnu comme un mode d’accompagnement de premier plan, légitime et adapté, notamment pour les publics en situation de handicap.
Ovia : accompagner des situations de grande dépendance
1. Une réponse indispensable pour les besoins lourds
Jérôme Pelissier, dirigeant de la société Ovia, rappelle qu’Ovia accompagne des personnes ayant une grande dépendance et donc des besoins constants ou quasi constants d’aide humaine.
Pour ces publics, le mandataire permet :
- de choisir ses intervenants,
- de définir précisément les missions,
- d’organiser le travail avec un haut niveau de personnalisation,
- de maintenir un dialogue direct et essentiel avec l’intervenant.
2. Une difficulté majeure : la prise en compte incomplète des frais liés à l’emploi
Malgré un décret de 2023 qui reconnaît davantage certains frais au titre de la PCH, de nombreux frais obligatoires liés à la relation de travail ne sont toujours pas pris en compte (transports, indemnités de repas, indemnités de fin de contrat…).
Cette absence de compensation crée une charge administrative et financière très lourde pour les personnes.
3. Un accompagnement très intensif
Ovia réalise un suivi poussé : tableaux comptables, liens constants avec le département, aide à la gestion PCH…
Cette ingénierie financière et organisationnelle est indispensable, mais elle révèle aussi une fragilité du système actuel.
4. Pour l’avenir : reconnaissance et vigilance
Jérôme Pelissier appelle à :
- une reconnaissance plus forte de l’utilité sociale du mandataire,
- une vigilance face à quelques mandataires aux pratiques « démesurées », bien que minoritaires, pour protéger les usagers et la qualité du secteur.
Aller plus loin : les besoins et leviers pour mieux accompagner demain
Au regard des constats des deux structures et des travaux de FMF, plusieurs axes apparaissent prioritaires.
1. Renforcer la reconnaissance institutionnelle du modèle mandataire
Les structures demandent :
- une meilleure compréhension par les départements,
- une prise en compte des frais réels liés à l’emploi,
- une revalorisation du mandataire comme solution de premier choix.
FMF milite depuis plus de 20 ans pour cette reconnaissance, en s’appuyant notamment sur le label Qualimandat, gage d’éthique, de qualité et de professionnalisation des pratiques.
2. Sécuriser le financement des besoins lourds
Pour les personnes ayant une grande dépendance, une meilleure intégration des frais obligatoires dans la PCH est indispensable.
Sans cela, l’employeur en situation de handicap supporte une charge trop importante alors même que le dispositif vise l’autonomie.
3. Faciliter le recrutement et la montée en compétences
La pénurie de professionnels qualifiés constitue un frein majeur.
Les solutions passent par :
- la professionnalisation,
- la formation continue
- les coopérations territoriales,
- la valorisation des métiers du domicile.
4. Mieux articuler médico-social et emploi à domicile
La continuité d’accompagnement nécessite un lien fluide avec :
- les équipes médico-sociales,
- les hôpitaux,
- les réseaux de soins,
- les services départementaux.
Les mandataires sont des acteurs centraux de cette coordination.
5. Renforcer la visibilité du modèle pour permettre un vrai choix
Informer les particuliers employeurs, les aidants et les professionnels est essentiel.
L’accès à l’annuaire des mandataires et la diffusion de ressources claires contribuent à rendre ce modèle plus lisible et accessible.
Pour aller plus loin
- Fédération Mandataires : www.federation-mandataires.fr
- Mand’APF : APF France handicap – Services mandataires
- Ovia : Structure mandataire spécialisée – aide humaine
- APF France handicap : www.apf-francehandicap.org
- France Emploi Domicile : ressources sur l’emploi à domicile
